Étalé sur la moquette de sa chambre, Klaus fixait léthargiquement son plafond tandis que son jumeau se grillait une cigarette, assis contre le pied du lit. Une main posée sur son torse nu, le cadet — de quelques minutes — était perdu dans ses pensées. Ses nombreux tatouages colorés étaient visibles et certains ressemblaient quelque peu à ceux de son frère. Jusque dans les moindres moments de leur petite vie, ces deux-là avaient toujours été proches — voire beaucoup trop proches selon leur famille. Une complicité qui n’avait jamais été du goût de leur autre frère, Finn, qui jalousait le fait qu’ils puissent compter l’un sur l’autre quand lui se retrouvait seul. Les jumeaux prenaient d’ailleurs un malin plaisir à l’emmerder dès que l’occasion se présentait; bon nombre de fois, Hunter avait piqué ses petites copines, aidé par son fidèle Klaus qui jouait les entremetteurs. Un duo rôdé jusque dans les moindres détails et absolument inséparable qui n’hésitait pas à pousser le vice toujours plus loin. L’un de leur jeu favori était d’ailleurs de se lancer des défis complètement barrés qui pouvaient parfois aller très (trop ?) loin. Hunter avait constamment pris le dessus et savait comment soumettre Klaus à ses idées tordues. Celui-ci avait toujours subi, bien que tout ce qu’entreprenait son double le fasse rire. Il ne rechignait pas à faire ce qu’on lui demandait… Mais en cette fin d’après-midi, Klaus avait décidé d’être joueur. Une situation qui n’allait peut-être pas être au goût de Hunter, lui qui détestait se voir imposé quelque chose. Pour autant, tous deux connaissaient la règle du jeu : toujours accepter les requêtes de son jumeau, même les plus folles d’entre elles.

Se redressant pour s’asseoir en indien sur la moquette, Klaus posa ses yeux d’acier sur son double. Quand ce dernier croisa son regard, Hunter comprit instantanément ce qui allait se passer dans les prochaines minutes : un combat de coqs des plus sanglants. Il écrasa sa cigarette dans le cendrier posé sur le lit et glissa sur la moquette pour se placer juste devant son frère, à quelques centimètres. Dans la même position que lui, il proposa ses mains à Klaus qui les prit dans les siennes. Leur regard se fixait intensément, le but étant de ne pas ciller et de faire ce que l’autre ordonnait. « Retire ton grigri. » Hunter esquissait un sourire en coin : il savait que son frère détestait ça. « Mais merde Hunter, tu sais que j’déteste quand tu me demandes ça ! Tu fais chier… » Ronchonnant dans sa barbe, Klaus finit par ôter son collier fétiche en tissu au bout duquel pendait une tête de mort miniature en ivoire. L’aîné lui arracha des mains et le balança à travers la chambre. Et tout cela, sans qu’aucun d’eux ne quitte le regard de l’autre. « Tu veux jouer ? Très bien. » Klaus sortit son briquet de sa poche et l’actionna. « Pose ta main au-dessus de la flamme jusqu’à ce que je te dise d’arrêter. » Hunter retint son poing qui tremblait sur son genou. Il se pinça les lèvres dans une rage non dissimulée et fit ce qu’on lui demandait. La chaleur n’était pas insupportable au départ… Et petit à petit, ça commençait à devenir douloureux. Vraiment très douloureux. La peau fondait doucement alors que leurs regards ne se quittaient pas. Hunter fit tout ce qui était en son pouvoir pour ne pas stopper ce jeu stupide… Il l’avait voulu, il devait assumer. C’était bien la première fois que Klaus se montrait si vil et sadique. Ça le faisait autant marrer que rager. Perdait-il son emprise sur son jumeau ? Ou la situation se retournait-elle contre lui ? Toutes ces questions qui se bousculaient dans sa tête lui firent perdre un instant le fil de la réalité avant que la flamme dévorant davantage la paume de sa main ne lui arrache un cri. Klaus éteignit son briquet tandis qu’une cloque assez conséquente s’était formée dans la main de Hunter. Le pourtour était à vif. « Je vois que tu commences enfin à en avoir dans le pantalon, p’tit frère. À mon tour de jouer. » Klaus déglutit bruyamment. « Grille-toi une clope. » Le cadet ria, pensant un instant que ça allait être vraiment simple. Il alluma donc sa cigarette et Hunter lui chipa des doigts. « Tends ton bras maintenant. Tout de suite. » Le ton ne se faisait plus joueur. D’un geste sans douceur, Hunter planta la cendre de sa cigarette dans l’avant-bras de son cadet en tournant légèrement. Klaus se mordit la lèvre inférieure presque à sang, quelques larmes perlant sur ses joues rosées. Son bourreau finit par arrêter le supplice. Klaus renifla, pris de sanglots, avant de souffler doucement sur sa propre brûlure comme pour apaiser la douleur… Ce petit jeu dura quelques dizaines de minutes au bout desquelles les jumeaux en sortiraient scarifiés, énervés et presque en pleurs.

« J’ai encore gagné, faut croire. » Claironna Hunter, sourire aux lèvres, alors qu’un silence de plomb s’installait dans la chambre. Klaus était recroquevillé dans un coin, les jambes repliées sur lui-même, ses bras serrant ses genoux. Il se balançait d’avant en arrière et pleurait silencieusement. Hunter se décida à approcher, à pas feutrés pour ne pas le brusquer. Il hésita un instant mais finit par poser une main qui se voulait rassurante sur son épaule. Peut-être s’en voulait-il d’avoir fait subir ça à son petit frère… « Allez, arrête de chialer un peu merde. » Klaus s’arrêta et se tourna vers son frère. Leur regard se croisa de nouveau. « On a pas fini de jouer. Quoi ?! Arrête ça va mal finir si on continue comme ça. T’as vu dans l’état que tu te mets à chaque fois ? Ferme-la, j’t’ai dit qu’on avait pas fini de jouer. » Klaus poussa son jumeau qui s’étala sur le dos avant de monter à califourchon sur lui. « Embrasse-moi. » Hunter restait estomaqué. « T’es sérieux là ?! Jamais d’la vie, tu m’entends ? T’es taré ma parole. » Klaus ne cilla pas. « Ce sont tes règles du jeu, et j’ai dit qu’on en avait pas terminé. C’est clair ? » Le ton se faisait presque menaçant. Les mains tremblantes de Hunter se posèrent sur les joues de son cadet. Se redressant un peu, il approcha doucement ses lèvres des siennes… Le baiser se voulait d’abord timide, voire repoussant, avant de tous deux ne finirent par en profiter quelque peu. Klaus passa ses bras autour de son double comme pour l’emprisonner, la tension se faisant facilement ressentir. Il était clair qu’il appréciait. Après quelques minutes, Hunter souleva sans difficulté son cadet qu’il allongea sur la moquette. Il déposa un baiser sur son nez avant de se relever. « Ferme-la. » Prévint Hunter en ôtant son tee-shirt et en allant tourner la clé dans la serrure de la chambre.