14 Novembre 1995, à Poudlard.Un samedi grisâtre s’annonçait avec clarté à la vue d’un ciel ombrageux, de nuages cotonneux envahissant et de l’absence habituelle du soleil. Assise sur le rebord de la fenêtre de la bibliothèque, Siobhàn observait ce qu’il se passait à l’extérieur de l’enceinte de Poudlard. Des élèves courageux se promenaient, discutaient, riaient malgré la chute des températures. Serrant fermement un livre à la couverture en cuir contre elle, Siobhàn ne faisait attention aux allées et venues de ses camarades. Elle était seule. Personne ne se préoccupait jamais de ce que la petite O’Hara pouvait ressentir dans cette solitude malmenée. Elle-même s’était faite une raison de cette flagrante mise à l’écart, puisqu’elle était jugée par son apparence soignée et coquette. Un trop grand défaut d’être née dans une famille bourgeoise à son insu. Elle ne regrettait cependant pas d’avoir des parents aussi attentionnés à son égard. Siobhàn s’éloigna de la fenêtre et vînt se poser à la table, là où résidaient ses affaires. Elle déposa son journal intime sur la table, prit sa plume et se mit à écrire sur des pages vierges.
Une nouvelle journée emplie de fadeur m’a percuté. Je suis seule et je pense que cette non-présence n’est plus devenue qu’une habitude monotone. J’ignore pourquoi ils ont décidé de me laisser de côté malgré mes efforts. Je leurs ai prouvé être quelqu’un de normal. Autant que je puisse l’être dans la mesure du possible. Je suis une sorcière comme ces étudiants. Une sorcière comme cette Iseult. Une sorcière comme ce Candide. Ils n’écoutent rien. Ils ne voient que ces effets de strass et paillette que j’ai arrêté d’affectionner depuis mes huit ans. Devrais-je plutôt m’intéresser à des étudiants plus âgés ? Ne seraient-ils pas plus matures et aptes à comprendre ? Je vais passer une autre année à me battre pour leurs démontrer cet air absent de condescendance que je peux avoir envers eux. Un dur combat. Mes géniteurs m’ont tout donné. Tout ce que j’ai pu désirer un jour ou l’autre. Maintenant, c’est à moi de leurs prouver que je peux obtenir ce que je désire par mes propres moyens. Fini les caprices d’enfant. Je suis à la bibliothèque en train de me vider la tête de toutes ces pensées futiles et intrigantes. Ne vont-ils pas me trouver précieuse à me vêtir de la sorte ? Tu connais le culte que je voue à mes vêtements ou le soin particulier que je peux employer envers mes affaires. Tous choisis avec minutie et engouement. Un pêché mignon. Ils préfèrent la gourmandise et l’enivrement des critiques. Mais peu importe. Ils finiront bien par m’accepter à voir que je désire juste la normalité.
Elle attendit une dizaine de secondes que l’encre s’imprègne entièrement du papier. Siobhàn referma doucement ce livre et rangea ses affaires. Elle enroula son écharpe autour de son cou et prit ce qui lui appartenait. Il n’était plus temps de traîner dans cet havre d’apprentissage. La jolie blonde sortit de la pièce et se rendit dans sa salle commune. Une esquisse de sourire vînt orner son visage à la rencontre d’autres élèves ou tableaux mouvants. Elle se savait observée. De toute part. Malgré cette solitude effrénée, elle n’était jamais réellement seule.
23 Décembre 1995, à Cork.Siobhàn pénétra dans sa chambre. Une chambre spacieuse qui lui avait manqué à la rentrée. Tout était précautionneusement resté en place, alors qu’une moldue s’occupait d’enlever les quelques poussières qui traînassaient chaque semaine. Les vacances de Noël étaient arrivées. En quelques semaines, la vie de la jeune fille avait relativement changée. Elle avait su trouver une personne de confiance en une Serdaigle spécieuse répondant au doux prénom d’Aislynn. Sous une missive à la demande solennelle auprès de ses géniteurs, ils avaient catégoriquement refusé de la laisser errer dans un château tel que Poudlard. La majeure partie des élèves s’en allait retrouver leurs proches. Hors de question que l’enfant unique O’Hara passe outre ce diner familial. Ils avaient toujours été protecteurs envers elle. Une surprotection malmenée qui semblait l’étouffer au fur et à mesure qu’elle grandissait et s’affirmait. Siobhàn était rentrée à Cork. Elle avait eu le cœur brisé à délaisser ce qui s’apparentait le plus à une amie. Mais pour le bien de la chose, les deux filles s’étaient échangées une correspondance sur leurs sentiments, leurs manques, leurs différentes absences et histoires. Une amitié concluante qui semblait faire le bonheur de la blonde et de la rouquine.
Siobhàn sortit du papier, un encrier et une plume qu’elle conservait toujours en cas de besoin. Une lettre était reposée à ses côtés et attendait une réponse sincère de sa part. Elle ressentait un vide, un manque cruel de discussion philosophique sur les manières des sorciers à paraître normaux. Elle se sentait comme emprisonnée dans une cage. L’oxygène allait bientôt lui manquer.
Aislynn,
Le temps ne semble pas s’écouler là où je réside, Aislynn. Il est long, terne et m’arrache le cœur lorsque je le surprends à ralentir. J’ignore comment occuper mon esprit dans l’attente interminable de recevoir une réponse. Je m’affère à t’écrire ces quelques mots au gré de ta lettre. Ne devrait-elle pas m’occuper durant quelques minutes ? Je l’espère.
Le monde moldu n’a point changé. Mon père affirme à qui veut l’entendre m’avoir envoyé dans un internat londonien. Il paraissait si heureux de me revoir. Un peu comme si nous ne nous étions plus vus depuis des années déjà. Ma mère, quant à elle, n’a cessé de me poser des questions sur ce qu’il se passait à Poudlard. Que pouvais-je lui répondre ? Je lui ai dit avoir trouvé quelqu’un de confiance, quelqu’un à qui me confier malgré tous ces rejets que j’ai pu subir auparavant. Je pense pouvoir les convaincre de t’emmener avec moi lors des prochaines vacances passagères. Je me sens seule. Mais ça ne me touche plus autant qu’auparavant. J’ai gagné une certaine habitude. Tout comme toi. Ça serait plutôt ce manque tendancieux de ta voix, de nos discussions ou de ta simple présence auprès de moi qui m’affectent. Il ne reste plus que quelques jours à tenir. J’ai arrêté de les décompter comme tu me l’as conseillé. Le temps n’en passe pas plus vite pour autant. Je pense même que les cours me manquent incontestablement. La vie moldue est d’un ennui pesant. Je reçois le reste de ma famille demain. Comme chaque année. Oui. Comme chaque année, ils vont provoquer un véritable brouhaha, dont je ne me remettrais pas aussi facilement. Alors tiens-toi prête à en découdre.
Tu me manques.
Siobhàn.
Enfermant la lettre dans une enveloppe, elle la déposa entre les griffes accérées de sa chouette et la fit sortir par la fenêtre de sa chambre. L'oiseau s'enveloppa malgré les quelques flocons de neige. Siobhàn allait devoir attendre une nouvelle fois que son amie daigne lui répondre.
28 Mars 1996, à Poudlard.Assise sur l’un des bancs peuplant l’immense parc de l’école, Siobhàn discutait avec celle qui était devenue sa meilleure amie. Elles conversaient dédaigneusement de la même chose depuis quelques jours déjà. Finn. Il se tenait un peu plus loin. Entouré par tout un cercle d’amis qui ne le quittait jamais, Siobhàn ne pouvait qu’observer cet Adonis des temps modernes à sa place. Elle avait déjà tenté de l’approcher à plusieurs reprises. Sans grand succès. Toutes ses tentatives se révélèrent être un échec cuisant. En pleine réflexion, les idées fusèrent. Comment allait-elle bien pouvoir faire pour lui adresser la parole ? Tout simplement. Digne d’une mission impossible.
« Inclues-toi dans son cercle d’amis. » Aislynn proposa ce qui lui était passé la tête. Mais comment faire ? Une fois de plus, Siobhàn était dans une impasse.
« Comment ? » Demanda-t-elle à la Serdaigle qui semblait avoir réponse à beaucoup de questions.
« Lance-toi. Tu verras ce que ça donne. » Elle devait prendre des risques. Lorsque des éclats de rire lui parvinrent aux oreilles, elle se retourna instinctivement en direction de ces esclaffements. Ils étaient là. Tous en train de rire. Finn, parmi eux, ne possédait qu’un simple sourire sur ses lèvres. Il était beau. Tellement beau.
« Lance-toi. » Rétorqua de nouveau Aislynn. Lance-toi. Plus facile à dire qu’à faire. Inspirant profondément, Siobhàn se leva d’un air assuré. Elle allait tenter de s’intégrer dans un groupe qui n’était pas le sien. Elle s’y risqua une nouvelle fois. Un échec. Il lui fallait définitivement une autre stratégie.
Elle bloquait sur lui. Elle ne voyait que lui. Finn était bien le seul garçon de Poudlard qui l’intéressait. La plupart d’entre eux étaient des Serpentards arrogants et méprisants ou des impuissants issus d’une immaculée conception. Autrement dit purement immatures.
« Arrête de le fixer comme ça. » La blonde tourna la tête. Honteuse. Elle espérait qu’il ne l’ait pas vu.
« J’y peux rien. Il m'obnubile. » Aislynn sourit. Aucune d’entre elles ne savait ce qu’il se produisait lorsqu’on tombait amoureux. Le phénomène du papillon grésillant dans le ventre ou encore celui des battements du cœur s’accélérant, d’un souffle se rompant. Tous ces phénomènes étaient inexplicables. Siobhàn avait toujours eu une envie de ressentir ces sentiments intenses. Mais quelque part, elle savait que ça pouvait faire mal. Très mal. Malheureusement, elle ne s’en préoccupait pas plus que ça. La souffrance n’était que passagère. Elle la ferait se sentir vivante. Mais pour la première fois, elle ressentait une attirance pour quelqu’un.
7 Avril 1998, à Poudlard.Siobhàn était appuyée contre le mur du hall. Elle attendait. Elle attendait patiemment que Finn daigne s’approcher. Il discutait avec des amis qu’il rencontrait dans le couloir et mettait une éternité à arriver. Elle sentait les battements de son cœur s’accélérer comme s’il allait exploser d’un instant à l’autre tant le stress la rongeait. Elle avait attendu ce moment depuis des mois. Il n’arrivait pas. Siobhàn se lança finalement d’une toute autre façon dont elle l’aurait imaginée. Elle le plaqua contre le mur et le regarda dans les yeux un bref instant. Ses yeux pétillaient. Un fin sourire décora son visage, alors qu’elle posa ses lèvres sur les siennes devant le regard ébahi de ses amis. Lui-même l’était probablement. Elle avait déposé l’une de ses mains sur sa joue comme pour accentuer le baiser. Ces quelques secondes de pur bonheur lui firent ressentir ces papillons et tous ces phénomènes. Lorsque cet instant, qui bouleversa sa vie, se termina, elle se contenta tout simplement de partir. Ses doigts glissèrent ses lèvres, alors qu’elle ne put retenir un sourire léger. Siobhàn avait enfin fait ce qu’elle désirait. Elle était amoureuse. Elle était amoureuse d’un Bad boy pour qui toutes les filles craquaient. Mais qu’importait ? Elle avait goûté à ses lèvres sucrées.
Août 1999, à Cork.Siobhàn en avait réellement fini de ses études à Poudlard. Il n’était plus question de cours, d’examens ou de perpétuelles rivalités entre les quatre maisons. Tout était réellement terminé. Elle était tranquillement rentrée chez elle, tandis qu’Aislynn avait pris un tout autre chemin avec son copain. Tout était réellement terminé. Mais elle n'oublierait jamais ces lieux dans lesquels son histoire avait commencée. Siobhàn avait finalement eu tout ce qu’elle désirait. Finn y comprit. Alors qu’elle pensait que tout allait désormais être paisible et tranquille, la jolie blonde était bien loin de se douter de l’importance de l’évènement qui allait arriver.
Elle était rentrée chez elle depuis maintenant deux mois. Elle avait pu se remettre de ses émotions intenses dues au départ de ces quelques amis. Elle ne les reverrait peut-être jamais plus, ce qui était d’autant plus affligeant. Mais ce fût une nouvelle l’interpellant qui bouleversa son monde, son univers. Le gouvernement magique révélait aux moldus l’existence des sorciers cachés depuis bien trop longtemps. Déroutée par cette annonce internationale, Siobhàn se demanda longtemps si ce n’était pas une farce. Sa génitrice, tout aussi déroutée qu’elle, lui avait posé maintes questions auxquelles elle n’avait su répondre. La jeune femme avait même tenté de contacter Aislynn, elle qui avait toujours eu réponse à toutes ses questions. Mais elle était injoignable. Qu’allait-il se produire à présent ? Comment les moldus allaient-ils réagir en apprenant que leurs voisins étaient de ces êtres incroyables ? Elle n’en savait rien. Mais elle stressait. Elle était nerveuse et avait atteint un point de non-retour. Elle ne pouvait pas concevoir un monde tel que celui dans lequel elle allait vivre à présent. À vrai dire, toutes les questions, qui lui trottaient la tête, l’inquiétaient parce qu’elle n’avait aucune idée de ce que lui réservait le futur. Elle avait bon être une sorcière que ça ne lui donnait pas le pouvoir de lire l’avenir. Troublée. Choquée. Effarée. Effrayée. Scandalisée. Siobhàn se demandait ce qu’allait devenir le monde magique sans cette couverture de protection sous laquelle il s’était toujours voilé.
31 Décembre 1999, à Cork.Voilà plusieurs mois déjà que la nouvelle avait été ingérée par le monde entier, aussi bien magique que moldu. Siobhàn ne se faisait toujours pas à l’idée que les deux mondes soient rassemblés. Il était impensable pour elle qu’il y ait une cohabitation sachant le fossé creusé entre ces deux univers distincts. Elle ressentait cette méfiance incomparable. Ses voisins la dévisageaient lorsqu’elle sortait dans la rue. Elle avait toujours cette manie de cacher sa baguette malgré le fait qu’elle n’ait plus besoin de le faire. Tout le monde était sur ses gardes, à scruter les moindres gestes de chaque individu errant dans la rue. C’était ce à quoi ressemblaient ses journées quotidiennes à présent. Désabusée, elle ne pouvait rien y faire.
Un nouveau millénaire allait voir le jour. Dans quelques heures les années 1900 et quelques seront réduites en poussière. Siobhàn avait le cœur à la fête comme à chaque fois. Ses allures de femme pétillante reprenaient toujours le dessus pensant que tout pouvait encore s’arranger. Elle s’était mariée récemment à Finn malgré le contre-accord de ses parents. Tout s’était fait sur un coup de tête un peu stupide. Mais elle en savourait chaque instant. Elle l’aimait. Le champagne coulait à flot. Un buffet à volonté était érigé pour l’occasion de cette nouvelle année. Un nouveau départ de nouvelles résolutions à tenir. Pourtant, lorsqu’il fût temps de décompter les secondes séparant 1999 de 2000, la boite à image moldue allumée par inadvertance révéla l’ampleur de la catastrophe. Personne n’avait prononcé ce fameux « Bonne année ! ». Tous étaient restés bouche-bée devant les images. Des sorciers venus de nulle part s’en prenaient à des moldus. Des sorts fusaient dans tous les sens. Devant les cris de ces blessés et l’effroi que ça provoquait sur place, Siobhàn en eût froid dans le dos. Voilà pourquoi il n’y aurait jamais dû avoir de telles révélations à ses yeux. Cette méfiance avait gagné tous les esprits et le pire se produisait sous son regard. Son monde magique s’effondrait. Des sorciers extrémistes attaquaient Bristol de toute part. Ce n’était qu’un avertissement.
Suite à cet indicent majeur, le gouvernement moldu déclara la guerre aux sorciers pour avoir osés s’attaquer de la sorte à ces simples habitants. Depuis cette annonce, Siobhàn reste d’autant plus méfiante malgré sa naïveté aggravée. Elle pense réellement qu’il est encore possible de s’en sortir sans une guerre effroyable. Malheureusement, plus les jours avances, plus cette dernière se profile à l’horizon et l’espoir semble s’envoler.